La Suisse est
un pays neutre, comme tout le monde le sait, mais surtout discret....A
tel point que l’on en oublierait presque que ses habitants ne ressemblent
pas forcément aux caricatures publicitaires qui ridiculisaient les
Helvètes en les affublant d’un Q.I proche du niveau de la mer et
d’un accent pas beaucoup plus reluisant, le tout pour vanter les
mérites d’une barre chocolatée ou d’un nouveau fromage aseptisé.
Mais voilà,
ce calme apparent cache souvent des talents... Peut-on en déduire
qu’il n’est pas nécessaire d’habiter des méga(lo)poles telle
NY ou LA pour avoir l’inspiration?
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MetalPsycho - Shovel ne vient pas des U.S et ils ne se sont pas gênés pour jeter une pierre dans le lac leman avec leur premier album, “latitude 60° low”, qui nous a fait découvrir la palette d’émotions cachée derrière le terme « emo-core »...Ce premier album a eu l’effet d’une météorite sur le milieu rock français. François (guitare) revient sur cette révélation ... ![]()
(Paul)
- il n’y a rien qui est fait pour la musique en général et
d’autant plus pour le rock, il n’y a pas de média et on ne peut
pas suivre un certain modèle comme ici, on sait qu’on peut faire
monter la sauce en allant voir quelqu’un à Paris, on peut suivre
une mode en intégrant des éléments américains.
(François
- guitare) - Il y a un centralisme en France que l’on ne retrouve
pas en Suisse et c’est vrai que si tu regardes les groupes avec qui on
a le plaisir de jouer ce soir (ndr: Virago, Portobello Bones),
sont des groupes qui viennent de province et je trouve que beaucoup de
groupes qui viennent de province ont une identité plus forte que
ceux qui viennent de Paris car, comme l’a dit Paul, à Paris ça
bouge très vite et tout se passe là haut avec une course
dans les maisons de disques genre « t’as vu ce qui se fait aux Etats
Unis, faut qu’on trouve un groupe français dans ce style dans les
3 mois » et ça casse l’innovation et en Suisse on est vraiment
en dehors de ça car on a rien pas de magazines nationaux, pas d’émission
télé qui diffuse de la musique et tout se base sur la curiosité
du public et les concerts.
(Paul) - En plus de cela on n’a pas de statut type intermittent du spectacle, ce qui fait qu’on ne peut pas gagner vaguement de l’argent ou avoir des prestations de chômage. En Suisse si tu veux faire de la musique et que tu as plus de 20 ans, t’es obligé d’être passionné. Tout ceux qu’on connaît et qui ont notre âge et qui font de la musique sont hyper pointus et de vrais passionnés qui répètent à fond et cela participe aussi au niveau de qualité des quelques groupes qui s’en sortent. ![]() (Paul)
- Il n’y a pas du tout le même type de politique en Suisse, c’est
encore plus marginalisé. La Suisse est divisé en cantons
qui développent plus ou moins leurs prestations culturelles pour
les jeunes, par exemple le statut MJC n’existe pas, et il y a une certaine
propension à investir de l’argent dans des trucs prestigieux qui
vont donner une vitrine un peu classieuse de la Suisse internationale et
cela va être notamment les ballets Béjard, des expositions,
des musées...on a pas eu la chance d’avoir Jack Lang à la
culture!...Il n’y a pas eu d’engouement pour la frange rock de la jeunesse.
On se débrouille car c’est un pays qui a de l’argent et on en trouve
toujours un peu pour les bonnes salles, mais on peut pas dire qu’il y a
un tel foisonnement de scènes qu’en France où pratiquement
chaque petite ville a son club, alors qu’en Suisse il y une salle par grande
ville et c’est tout.
(Franck)
- qualité ne rime pas quantité.
(François
- guitare) - On est de la même ville et comme Fabrice Bernard,
responsable du label, est incontournable...En fait, on a de la chance car
Fabrice est la seule personne, il faut préciser qu’il en a les moyens,
à être licencié HEC avec un peu d’argent de côté
et à s’être consacré à sa passion du métal.
Il s’occupe de groupes comme Sludge, Fragment qui sont très extrêmes
- il faut être passionné de ce genre de musique pour les promouvoir
- et il a décidé de le faire mais professionnellement.
![]() (Paul)
- Contrairement à l’autre maison de disques où l’on était
avant, Noise Product, il s’occupe de ses groupes à temps plein et
passe sa journée au téléphone en bossant sur plusieurs
pays, c’est certainement grâce à lui qu’on a pu grossir un
petit peu.
(Paul)
- J’ai connu leur premier 45T en 89 et c’était inaudible, le batteur
ne savait pas jouer alors qu’il est devenu un super instrumentiste. Je
trouve ça vraiment génial car ils ont toujours fait ce qu’ils
ont voulu en s’ouvrant de plus en plus, ils ont conquis les allemands,
les Pays de l’Est ... Ils sont présents partout, de la Suède
au Chili. Il y a déjà pas mal d’années ils nous expliquaient
qu’ils jouaient dans des patinoires à Moscou devant 7000 personnes
et on ne les croyait pas. Moi avec mon petit groupe local on remplissait
2 fois plus les salles locales qu’eux, là on peut vraiment dire
que nul n’est prophète en son pays. Après ils ont développé
leur musique ... Ils ont un public super fidèle. Leur dernier album
est vraiment bien et montre qu’ils ont su évoluer, c’est vraiment
un exemple. Même si ce n’est pas un style qu’on affectionne particulièrement,
je leur tire franchement un coup de chapeau. Sur scène c’est vraiment
puissant, leur bassiste s’occupe de la technique et fait également
les live pour Dimmu Borgir et plusieurs groupes de Black.
(Paul)
- Ce qui est incroyable, c’est qu’il a été catalogué
comme producteur métal. Après avoir produit Meshuggha,
Nuclear
Blast lui est tombé dessus pour lui refilé tous leurs
groupes, Stuck Mojo, Lost Souls, Face Down,
Strapping
Young Lad. En fait, ce gars là il est tout content s’il peut
faire des trucs rock’n’roll, il est pas métal. Il est fan de rock
... Son rêve c’est de faire les Young Gods! C’est clair qu’il
est excellent pour faire des sons surpuissants et en plus c’est,
Fragment,
un groupe qui est fan de Meshuggha à la base, qui a été
le rencontrer... Ils nous ont causé de leur expérience là
bas, ils lui ont amené notre 4 titres et il y a trouvé un
côté Tool qui lui a bien plu, vu que c’est un de ses
groupes préférés.
(Paul)
- C’est une façon de souder un groupe qui n’est pas fait uniquement
de copains d’enfance et en plus le dépaysement est total. Daniel
Bergstrand bossait chez lui, c’est également un avantage, faut dire
qu’il a un matériel très restreint mais il est très
doué. On ne regrette pas du tout d’avoir été là
bas, car c’est pour nous le pays qui bouge le plus en Europe, d’ailleurs
il y a pas mal de groupes qui se tournent vers l’Europe du Nord, dont des
groupes français, mais bon...
![]() (Paul)
- C’est du rock mais au sens large: Cure, U2, Quicksand,
Helmet,
Radiohead ... Il y a des trucs extrêmes, du trip-hop, plein
de bonnes choses qui sont digérées à la sauce Shovel
et cela donne des morceaux qui peuvent être très métal
comme “boil over” et d’autres morceaux complètement différents.
Ce que l’on va faire par la suite sera peut être beaucoup moins saturée,
on pourrait peut être y intégrer des machines… On fait cette
musique par passion et le seul truc c’est qu’il faut qu’il y ait le label
Shovel dessus, c’est tout. Quand on a enregistré l’album,
on n’a pas eu beaucoup de temps. Contrairement à ce qui s’est écrit
dans certains journaux, on n’a pas été là bas 3 mois
mais seulement trois semaines et demi; on est arrivé au studio à
la bourre, on a bossé 15 heures par jour et personne n’a changé
notre musique, c’est du pur Shovel ! Le but c’est pas d’appartenir
à une tendance ni d’être avant-gardiste, on fait ce que l’on
a envie de faire.
(François
- guitare) - En fait, tous les groupes doivent vous dire «
ouai, c’est du cinéma tout ça, nous on est intègre,
on fait notre truc ».
(Franck)
- Paul en fait est fan de Limp Bizkit et Coal Chamber. (Paul)
- On a vraiment horreur de tout ces trucs montés de toutes pièces
suivant une certaine mode. (François
- guitare) - En fait, vous allez voir sur scène, on est pas
du tout glam, on met un minimum de maquillage, moi je mets juste un peu
de bleu sur mes cils pour faire ressortir le regard, Paul met un bicorne
rouge … Non mais, plus sérieusement il y a une tendance au spectacle
sur scène qui avait été perdue au profit bénéfique
de la musique brut avec des groupes comme Pantera, Sepultura
en 92 - 93 et ce côté impact brut sur scène est fini
et maintenant on a un retour du spectacle avec Korn, le black metal,
Marilyn
Manson. Tous les groupes de heavy metal genre Angra,
Stratovarius
bénéficient de cet intérêt pour le spectacle
et la démonstration. Cet effet de mode est entretenu par des maisons
de disques et il doit beaucoup à la promo qui a été
faite pour des groupes comme Rammstein et Marilyn Manson. (François
- chant) - C’est une réponse au grunge et au hardcore qui
était hyper sobre, où les gens rejetaient tout ce qui était
brillant et spectaculaire et la roue tourne. C’est normal que l’on revienne
à ce genre de spectacle.
![]() (Franck)
- Il faut dire que Refused était un groupe marginal du hardcore,
ils avaient un look à la Beattles et déconcertaient
plein de monde en introduisant pas mal d’autres styles dans leur hardcore,
mais il y a aussi plein de nouveau fans qui sont arrivés.
(Paul)
- On a pas mal de facilité à jouer ensemble et chacun se
greffe spontanément sur une base.
(François
- guitare) - Comme géographiquement Franck, Paul et moi habitons
Lausanne, Francesco et Raph (ndr: bassiste) habitent à Genève,
donc forcément, pour nous trois c’est plus facile de se retrouver
au local pour créer la base, la voix arrive en général
toujours en dernier et cela marche très bien.
(François
- chant) - Mes paroles traduisent mes émotions, mes angoisses,
cela reflète des clichés comme des photographies qui sont
plus ou moins floues. Certaines sont très nettes et on comprend
dès la première écoute ce que je veux dire et d’autres
sont plus abstraites et c’est à l’auditeur de les interpréter
à sa façon. Elles s’inspirent toutes de certaines parties
de ma vie mais l’appropriation qu’en fait l’auditeur est libre. J’y parle
d’amour, d’amitiés, des personnes qui m’entourent, des petites histoires
banales de tous les jours. J’ai du mal à écrire sur des paroles
très festives, Shovel pour moi c’est le côté obscur.
(Paul)
- C’est clair qu’on a déjà des morceaux qui sont déjà
bien avancés et que l’on meurt d’envie de les jouer sur scène.
D’un autre côté il faut qu’on tourne celui ci en France, Benelux,
Italie. Si la distribution s’étend un petit peu, il y aura l’Allemagne,
les pays du Nord et les Etats Unis. Moi j’aimerais bien qu’il sorte le
plus vite possible, mais cela dépendra des opportunités que
l’on aura. Globalement, c’est difficile en rock actuellement, notamment
sur un style metal comme le nôtre. On essaie de participer à
des festivals éclectiques pour toucher le maximum de public (ndr:
Paleo festival, Belfort).
(Paul)
- On a fait notre premier concert en ouverture d’Helmet et on en est pas
peu fier
(François
- chant) - On a failli jouer avec Scorpions, en fait on avait une
date à Lyon et malheureusement le tourneur a pu placer Scorpions
à la place pour se faire plus d’argent et on a du refuser car ça
collait pas trop...
(Paul) - On est quand même très content de ce qui nous arrive, car on a vraiment un public qui vient pour nous et qui ne se retrouve pas à nos concerts par hasard. Les gens apprécient bien, on a pu aller faire les crétins dans les Fnac et il y a vachement de répondant. |
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...
Un grand merci à l’Orange Bleue, en espérant
que cette salle continue d’accueillir d’excellents groupes, et surtout
on souhaite à Shovel tout le succès qu’ils méritent
! (prenez contact et visitez le site de Shovel
ou de leur editeur)
Quentin et Mikaëlis
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